La première rencontre

Je soufflai. Je n'avais pas vraiment de raison d'être ici, parmi ce qu'on pourrait qualifier de la bourgeoisie vampirique. Enfin... pas de raison si ce n'était, guérir les vampires. Je ne voyais pas vraiment comment je pourrais être utile. Les vampires ont une guérison beaucoup plus rapide que les humains, on a beau leur mettre un coup de couteau dans le ventre, ils ne meurent pas d'une hémorragie. Avec un minimum de bon sens, si l'on comprime la plaie pour éviter l’hémorragie, un vampire peut courir un marathon seulement après une heure depuis le coup. Bref, je ne serais d'aucune utilité ce soir. A moins qu'une attaque de nos ennemies surviennent, je resterais là les bras croisés dans mon petit coin pour me faire discrète. Et encore... si je suis seule pour guérir cette bande de pingouins et ces montagnes de tissus à froufrou, on est tous dans la mouise... Je suis dotée de capacité surnaturelle qui me permettent de faire bien plus de tâches qu'un médecin humain, mais il y a des limites. Je ne m'appelle pas Dieu... Quoique... mes mains peuvent parfois faire des miracles !
Si je savais être inutile à la soirée, pourquoi suis-je venue dans une réception mondaine où tous les paires d'yeux sont sur moi à me dévisager ? Je ne fais pas partie des Aristocrates et pour ne pas arranger les choses, j'ai été adoptée et éduquée par des humains. Bref, ma condition fait que je suis répugnante aux yeux de la haute société vampirique. D'où les regards. Cette humiliation sociale, je ne la vis pas par pur bonheur. Et si Monsieur et Madame Sparks avaient eu le choix, ils auraient employé une autre personne. Seulement je suis la seule, et la meilleure. Quant à moi, j'ai accepté parce que le montant du chèque est très très élevé. Je ne suis pas vénale, seulement une offre pareille ne se refuse pas, quelque soit l'humiliation par les regards ou l'ennui profond que j'éprouve en ce moment-même. La dure réalité de la vie. Ceci dit, il y a pire comme travail. En plus, le buffet et le champagne sont délicieux...

J'étais lassé. Lassé de ces soirées mondaines où j'étais obligé de faire part de ma présence. Lassé de ces personnes hypocrites qui se disent "amis". Lassé de mes parents qui pensent pour moi, décident pour moi et prennent des décisions pour moi.
Toute ma longue vie d'errance a été comme ça, jamais je n'ai un mot à dire, on ne me demande jamais rien, c'est une vie pensez-vous? Et bien non ! De plus, depuis peu de temps mes parents m'avaient promis à une fille, attention ce n'est pas n'importe laquelle, une femme qui vient d'une famile aristocrate bien évidement. On devait nous présenter l'un à l'autre à la soirée qui avait lieu ce soir, voilà la raison pour laquelle j'esquivais ma famille depuis le début de cette fête.
Alors que j'évitais une énième fois l'embarassant moment où je devais rencontrer ma promise, mes yeux s'arrêtèrent sur une sublime créature à la chevelure brune. C'était une jeune femme, au visage de poupée. Elle avait l'air de s'ennuyer à cette soirée qui était plus qu'inattrayante, tout comme moi. Elle devait sentir mon regard sur elle, car le sien croisa mes prunelles vertes.

Alors que je fourrais peu gracieusement un canapé dans ma bouche, je me sentis épiée. Une sensation que je ressens souvent lorsque je fais quelque chose d'embarrassant, mais c'était plus que ça cette fois-ci... Je me retournai et croisai le regard d'un homme. Séduisant au premier coup d’œil. Mais sa beauté ne fut pas la première chose qui me frappa chez lui. Ses yeux, son visage, sa posture, tout de lui dictait qu'il n'était pas hautain comme la plupart des membres ici et pourtant... tout le trahissait quant à sa classe sociale. Un aristocrate. J'aurais parié ma vie dessus. Et puis ce n'était pas n'importe quel aristocrate, vu la façon dont les invités le regardaient et l'admiraient.
Puis une fois passée leur contemplation, tous leurs regards se concentrèrent sur moi... Des regards sévèrement réprobateurs. Je m'empourprai immédiatement.
J'avais déjà l'intention de fuir leur regard depuis un bon dixième de seconde, mais la vue des hôtes, M. et Mme Sparks, par dessus l'épaule du jeune homme me fit définitivement prendre mes jambes à mon cou. Je pris une flûte d'une boisson pétillante et partis à la recherche d'un coin tranquille où je pourrai superviser la salle sans me faire reluquer. Mission impossible mais au moins, cela m'occuperait un moment...

La jeune femme se précipita d'aller se cacher lorsque plusieurs regards se sont tournés vers elle. Quant à moi, je fis de même en la suivant lorsque mes "parents" apparûrent soudainement derrière moi.
Je lançai des sourires d'excuse aux personnes qui m'accostaient en leur promettant de discuter avec eux plus tard, car à cet instant, tout ce que je voulais était de retrouver ma jolie inconnue.
Mon odorat qui sentait la douce odeur féminine me conduisit à un coin reculé de la salle de bal. Je m'avançai jusqu'aux rideaux qui avaient été mis en décoration pour cette soirée et aperçus la jeune femme appuyée contre le mur qui se trouvait derrière. Sans le vouloir, cette atmoshpère était romantique, le coin intime, les rideaux nous cachant à la vue de tous et la musique classique provenant des enceintes.
Je me mis à sourire niaisement, Dieu m'enverrait-il un signe?

Je bus une gorgée de... champagne. Enfin... n'avait clairement rien à voir avec le champagne que je pouvais m'acheter même au meilleur prix. Celui-ci était un orgasme pour les papilles gustatives. Je rougis à cette pensée. L'alcool me montait déjà bien à la tête, si quelque avait besoin de moi cette nuit, il avait tout intérêt à ne pas avoir quelques choses de grave pour qu'il y survive vu mon état.
Je finis ma flûte. J'allais aller poser mon verre lorsque le jeune homme de tout à l'heure s'approcha de moi. Si l'alcool me faisait rougir, le sourire de cet homme me jetait carrément un pot de peinture sur le visage !
Je crus un instant que je me faisais de fausses idées, qu'il n'était pas là pour moi. Et puis j'ai repensé à l'endroit que j'avais choisi : un coin près des rideaux. Donc à moins qu'il ne soit là pour la vue (ce qui m'étonnerait vu la tonne d'autres fenêtres qu'il y avait) il était là pour moi... M'enfin, ceci dit, peut-être était-il aussi là pour la vue... Non pas celle de l'extérieur, mais celle que je pouvais offrir vu la façon dont ses yeux descendaient sur mon corps.
Il se rapprocha de moi et s'arrêta. Je me dis que je devais faire quelque chose...
-Heu... Salut ? lui fis-je.
Super ! Cet homme est un aristocrate et je trouve la super bonne idée de le saluer comme si c'était mon pote de toujours, celui qu'on fréquente au bahut par exemple ! Super ! Vraiment super ! J'aurais pu au moins lui faire la révérence... J'aurais dû ? Je pourrais... histoire de cacher mes joues rouges...
Je commençais à me baisser devant lui.

Je m'arrêtais devant elle et lui fis un sourire timide.

"Heu... Salut ?" dit-elle en rougissant. Elle commança à se baisser devant moi lorsque je la retins pas le poignet.

"Qu'est-ce que vous faites?" Je posais un baiser sur la peau délicate de sa main et la redressais vers moi. "Une magnifique femme comme vous ne devrait pas faire ça pour un homme comme moi" lui dis-je.

Je m'inclinais devant elle et murmurais "Mademoiselle".

Je me redressais et la regardais dans les yeux. Ses prunelles me scrutaient curieusement. Elle devait sûrement demander sur quel fou elle était tombée et malheureusement, je n'étais pas prêt de la lâcher. Son odeur qui flottait dans l'air me retournait le cerveau, c'était comme si son corps chantait pour que le mien soit à ses pieds. Et cela fonctionnait parce que j'étais complèment sous son charme.

"Je m'appelle Jules et je suis enchanté de faire votre connaissance" lui dis-je d'une voix doucereuse que je ne reconnus pas.

Mes yeux s'écarquillèrent. Jules. Comme dans Jules Sparks ?! Sparks comme dans Monsieur et Madame Sparks ?! Et merde... Il avait beau me traiter comme si j'étais une aristocrate, mieux encore ! Comme son égale puisqu'il avait refusé ma révérence, mais ça ne changer rien au fait qu'il ne fallait pas que je m'approche de lui bien que l'envie ne me manquait pas.

"Je sais parfaitement qui vous êtes, Monsieur Sparks." J'insistai clairement sur le monsieur pour lui montrer que pour moi, nous n'étions pas au même niveau de classe sociale. Pas du tout même ! "Mais je me dois de vous rappeler que vos parents sont mes employeurs. De plus, vous n'êtes pas sans ignorer qu'il n'est pas très bien vu pour un membre de votre caste de s'approcher d'un membre de ma classe."

Je vis dans son regard une lueur que je ne sus déchiffrer, cependant je ne pus m'empêcher d'ajouter :
"Vous devriez vous éloigner de moi. Si vous ne le faites pas pour vous, penser à vos parents et à leur réputation. Ou bien à moi, vos parents pourrez facilement faire de ma vie un enfer ou me discréditer aux yeux de toute la communauté vampirique. Je n'ai vraiment pas besoin de ça."

Je le regardai dans les yeux, le suppliant du regard pour qu'il me comprenne.

Et voilà que ça recommence. Une fois de plus, mon statut social empiétait sur ma vie privée. Une fois de plus, on m'associait à cette famille d'hypocrites. Et pour la première fois, cela me blessa plus encore que d'habitude...

La jeune femme qui se tenait devant moi me croyait comme mes parents. Elle pensait que ma réputation passait avant tout, que je ne désirais pas me mèler au "bas peuple", mais elle avait tord.

Ses grands yeux de biche me regardaient de manière suppliante. MAIS POURQUOI? Quel message essayait-elle de me faire passer? La laisser tranquille? Pas question ! C'est la première fois que je ressens ce genre d'attirance pour une personne et je ne vais pas laisser passer ça ! Encore moins pour une raison de classe sociale ou que sais-je d'autre.

"Qu'est-ce qui nous empêche de discuter tranquillement? Nous ne faisons rien de mal. Ce n'est pas mes parents qui vont me dicter ma manière de me conduire et ne vous inquiétez pas pour votre travail, il ne lui arrivera rien. De plus, j'ai vraiment envie de faire votre connaissance. Quel est votre nom?"

"Qu'est-ce qui nous empêche de discuter tranquillement? Nous ne faisons rien de mal. Ce n'est pas mes parents qui vont me dicter ma manière de me conduire et ne vous inquiétez pas pour votre travail, il ne lui arrivera rien. De plus, j'ai vraiment envie de faire votre connaissance. Quel est votre nom?"

Je secouai la tête. Il ne comprenait pas à quel point la situation n'avait rien de banal, que ce n'était pas seulement une discussion entre deux personnes. C'est un aristocrate et cela le restera pour toujours quoiqu'il en pense.

"Je suis navrée mais vous ne pouvez pas comprendre. Vous êtes une personne très importante et influente de part votre statut, il n'empêche que vos parents le sont bien davantage et c'est d'eux dont j'ai le plus peur. Ils ne veulent pas que vous fréquentiez des individus comme moi. Je suis la seule à avoir été conviée à votre réception et à contrecœur. Ils vous ont déjà vu m'approcher tout à l'heure et ils n'avaient pas l'air de l'apprécier. N'aggravez pas plus mon cas qu'ils ne l'est déjà. S'il vous plaît."

Une fois de plus je le suppliai du regard. J’espérais vraiment qu'il me comprenne, qu'il comprenne à quel point la situation était grave, peut-être pas pour lui mais pour moi. Je priais même, pour qu'il comprenne enfin tout ça ! Qu'il me laisse partir sans chercher plus d'informations à mon sujet, qu'il m'oublierait tout simplement. Comme si je n'étais pas venue.